- A propos de la saga EPICUR et du roman jeunesse "La disparue de la 6eB" dans le Monde
« Epicur » enquête
BERLINALE BLITZ
de Stéphanie Benson. Seuil, « Points ».
182 p., 6,50 €. Inédit.LA DISPARUE DE LA 6' B
de Stéphanie Benson. Syros Jeunesse
128 p., 5,90 €.
Il suffit d'un saut d'une vingtaine d'années dans le futur pour que le monde dans lequel évoluent les personnages de Berlinale Blitz, tout en restant parfaitement reconnaissables, subissent quelques modifications importantes. Le roman de Stéphanie Benson se déroule en 2023, et on comprend entre les lignes que l'Europe entretient des relations difficiles avec les pays signataires du pacte islamique, que la tension entre les deux blocs a même entraîné une fermeture bilatérale des frontières.
C'est dans ce contexte que Rolf Bauer, cinéaste allemand d'origine israélienne, est assassiné à Berlin au moment où il s'apprêtait à présenter son dernier film, Röte Engel, favori pour l'Ours d'or de la 72' Ber¬linale. Sa compagne, Marina Wolf¬stein, est abattue en même temps que lui dans leur hôtel, quelques minutes seulement avant l'ouverture officielle du festival.
L'enquête s'oriente évidemment vers un assassinat politique, d'autant plus que les deux tueurs sont répertoriés comme, membres d'un groupe néonazi. Pourtant, leur suicide immédiat donne à penser qu'on a voulu les supprimer. Les enquêtes que menait Marina Wolf¬stein sur les trafics de certains laboratoires pharmaceutiques pourraient bien être la véritable cause de la tuerie, et l'attitude de la police en l'occurrence est plus que trouble. Dans ce cas, un seul recours, Epicur (European Police Investigatory Cri¬me Unit Reserve), un réseau international qui tient à la fois de la police des polices et du commando spécialisé dans les problèmes délicats.
Au lieu de se consacrer exclusivement aux aventures d'un personnage récurrent, Stéphanie Benson mène de front plusieurs séries, Zelna and Co, Synchronicité, Al Teatro. Elle écrit si pour la jeunesse comme cette Disparue de la 6' B, où une gamine, avec les meilleures intentions du monde, provoque une belle pagaille parce qu'elle a fini par se persuader que sa prof de dessin était une sorcière. Dans Epicur, dont Berlinale Blitz constitue le cinquième épisode, elle trouve un équilibre parfait entre le roman d'espionnage, le roman d'an¬ticipation et le policier classique. On y trouve quelques gadgets à peine plus sophistiqués que ceux que nous utilisons déjà quotidiennement. La guerre des polices y joue un rôle important, mais aussi les développements probables de la société civile et de l'environnement économique.
Mais c'est surtout l'évolution (ou plutôt l'absence d'évolution) des mentalités qui constitue l'épine dorsale du livre, car les démêlés sentimentaux de chacun des membres du réseau Epicur y tiennent une place fondamentale. Le léger décalage temporel permet d'offrir en forçant à peine le trait une caricature de la société européenne qui n'est certes pas tout à fait « le meilleur des mondes », mais qui pourrait bien assez vite le devenir.
Gérard Meudal in Le monde 03/12/2006